"L'Union européenne devrait favoriser... l'utilisation des patrimoines criminels confisqués au bénéfice de la communauté" cit. Commission européenne contre le crime organisé

samedi 19 novembre 2011

Les derniers juges?

fotos di Talos Buccelati

Maison de l'Amérique Latine à Paris - 18 novembre 2011

"Jusqu'à il y a vingt ans nous pouvions encore croire qu'un marché sain existait, tout comme une société saine qu’il fallait protéger des infiltrations criminelles. Aujourd'hui il faut au contraire réaliser que les organisations criminelles fournissent des biens et des services illégaux (drogues, articles contrefaits, traite d'êtres humains, élimination d'ordures toxiques), demandés par des millions de gens tout à fait normaux. » Jean de MAILLARD.

"Comparé à cette criminalité systémique, l’ancien droit pénal du 19ème et 20ème siècle est comme un pistolet à eau, une aspirine contre le cancer. Nous devons prendre conscience de l'émergence d'un nouveau concept, l'économie frauduleuse. » Roberto SCARPINATO

La version originale de MC Prodi en italien sur la revue FOCUS IN

La soirée du 18 novembre, avec les juges Roberto Scarpinato et Jean de Maillard, n’a peut être pas été une injection de perspectives rassurantes mais elle a certainement eu le mérite d'aller droit au but. D’autre part, ça n’a pas non plus été un rendez-vous défaitiste, car un message si dur transmis par des gens brillants, qui luttent quotidiennement contre la criminalité, ne cherche pas à exaspérer mais au contraire à encourager la création de nouvelles armes utiles, tout en étant vigilants.

Profitant d'une invitation faite à Roberto Scarpinato de la part de Citéphilo Lille, à l’occasion de la sortie de son livre "dernier des juges" Fabrice Rizzoli, avec FLARE, organisait une soirée de grande actualité, en réunissant le procureur général de la cour d'appel de Caltanissetta et Jean de Maillard, juge français auteur du livre "l'arnaque" sur la criminalité financière et expert dans le secteur.

Imaginée il y a quelques mois, dans la continuité des initiatives d'approfondissement que FLARE et Libera international organisent périodiquement, cette conférence ne pouvait pas tomber dans un moment plus riche en actualité que celui-ci, entre la chute du gouvernement Berlusconi, l'attaque financière à l'Italie et la récente nomination de Mario Monti à la présidence du Conseil.

D'un côté Jean de Maillard étudie les pleins pouvoirs des marchés et l'affaiblissement des démocraties qui en découle et de l'autre Roberto Scarpinato se penche plutôt sur l'histoire criminelle de l'Italie, en affirmant que "La mafia a toujours eu la protection politique: voilà pourquoi l'état n’a jamais réussi à la battre." D'un côté les convergences entre la France et l'Italie dans le contexte de la mondialisation des affaires criminelles sont réaffirmées, de l'autre les différences entre les deux pays sont établies, Jean de Maillard les résume ainsi :

"En France on est à l’opposé de l'Italie: en Italie, l’Etat est faible mais les structures intra-étatiques sont résistantes alors qu’en France il y a un Etat fort avec des institutions qui devraient jouer un rôle de contrepouvoirs, notamment par le biais de la justice mais qui finissent par être structurellement faibles". Le magistrat français conclut avec un avertissement, que FLARE et Libera ne peuvent que partager entièrement: « les affaires criminelles sont des choses trop sérieuses pour les remettre seulement aux juges et aux agents de police ».

C’est justement pour cette raison que nous mettons au centre de nos rencontres les produits de Libera Terra, apportés et distribués en France par Ethicando (cf. produits issus des terres confisquées à la mafia) en tant que témoignage de ce qu’il se passe lorsque les citoyens se réapproprient leur place. Pour cette raison nous invitons aussi avec plaisir les autres associations italiennes, (nombreuses d’entre elles ont d’ailleurs participé à la conférence) , à parcourir ce chemin de connaissance des dynamiques criminelles. Il est important de bien savoir quel est l'ennemi à combattre, en dépassant le cliché de l’homme en « coppola » et « lupara » et en se figurant plutôt un homme qui incarne de plus en plus « la banalité du mal ».

Si, comme dit Roberto Scarpinato, "le monde criminel est le miroir qui révèle les vices secrets de millions de gens normaux", pour combattre la mafia, il ne reste qu’à emprunter un mot passé de mode depuis plusieurs années mais qui a peut-être encore tout son sens et son utilité : la morale.


PS : Un grand merci la Maison de l'Amérique Latine
pour son accueil trés chaleureux et professionnel.
PS2 : L'expression
«Bourgeoisie mafieuse » a été citée à plusieurs reprises pendant cette soirée sans qu'elle ne soit attribuée à son auteur Umberto Santino du Centre Impastato : c'est fait :)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire