Meeting organisé à Castelvetrano, patrie de Massimo Denaro. Les proviseurs refusent d’y envoyer leurs étudiants. Contesté le repenti Calcara qui a sauvé le magistrat au lieu de le tuer.
PALERMO - Parler de mafia est possible, mais seulement quand il s’agit d’une lointaine mafia, une mafia des autres. S’il s’agit du boss de la porte voisine il est interdit d’en parler. Il en sait quelque chose le procureur adjoint de Palermo Antonio Ingroia qui s’est retrouvé tout seul hier à Castelvetrano avec un repenti, pour le meeting organisé en souvenir de Paolo Borsellino.
Le théâtre communal était vide, déserté surtout par les étudiants ‘persuadés’ par leurs proviseurs de rester en classe « puisque les jeunes n’ont rien à apprendre de certains personnages ». Ainsi, dans les terres de Matteo Messina Denaro une Sicile antique, qu’on croyait disparue à jamais, est revenue en scène.
Privés donc d’une leçon de ‘légalité’ les élèves des Lycées de Castelvetrano, ville devenue fameuse il ya un demi siècle pour la mise en scène du meurtre du bandit Giuliano et qui probablement abrite encore aujourd’hui le dernier grand ‘recherché en fuite’ de Cosa Nostra. Dans la salle seuls sept petits vieux, deux garçons de l’Association antiracket qui avaient organisé la rencontre et le maire Gianni Pompeo ; personne d’autre à écouter le procureur Ingroia qui était l’invité, le journaliste Giacomo Di Girolamo qui présentait ‘L’invisible’ – son dernier livre justement sur la vie de Matteo Messina Denaro – et ‘le collaborateur de justice’ (repenti) Vincenzo Calcara. C’est bien le retour dans la province de Trapani de ce repenti qui a déchaîné la colère de ses concitoyens. Caldara, celui qui vingt ans auparavant aurait du tuer Paolo Borsellino avec un fusil à lunette , mais qui in fine a tourné sa veste et a raconté , à la victime désignée , Borsellino , les secrets des ‘familles’ de Trapani. Pour la première fois, en Sicile, vingt ans après, Calcara a été accueilli et salué hargneusement au cri de ‘Docteur en criminologie et mauvaise vie’.
En fin de matinée le procureur Ingroia est reparti en colère : «Il est incroyable que les proviseurs aient décidé de ne pas envoyer leurs étudiants et il est significatif que dans une occasion comme celle-ci, en souvenir du juge Paolo Borsellino, dans la ville de Matteo Messina Denaro on ressente davantage la présence du ‘recherché en fuite’ que celle de Paolo Borsellino. Tout ceci est absurde ».
Un tract a été distribué par Tonino Vaccarino , ex maire de la ville (dénoncé par Calcara) mais qui avait fait l’objet d’un non-lieu pour l’accusation d’activité mafieuse et condamné pour trafic de stupéfiants. « On ne combat pas la mafia avec un faux repenti » pouvait – on lire sur ce tract. Vaccarino a expliqué que dans un passé récent il avait aussi été embauché par les services secrets pour correspondre avec Matteo Massimo Denaro. « C’est une offense pour tout le monde de présenter comme un exemple de la légalité un assassin comme lui et je suis touché que les jeunes aient refusé de le rencontrer aujourd’hui » a affirmé Vaccarino.
Devant le théâtre, un autre tract signé par Francesco Fiordaliso, proviseur du Lycée classique de Castelvetrano, expliquait que Vincenzo Calcara n’avait rien à apprendre aux jeunes, raison pour laquelle il n’avait pas permis aux étudiants de le rencontrer.
A la fin, pour effacer cette déconvenue, le maire Pompeo a invité le procureur Ingroa à Castelvetrano pour la prochaine rencontre de février sur la mafia et les mafieux. Commentaire de Ingroa : «Aujourd’hui, le seul vraiment satisfait sera Matteo Massimo Denaro».
LA REPUBBLICA - Di Attilio Bolzoni - 20.01.11
Traduit par Clara Sinai